10 Septembre 2006 - Humeurs

Le deuxième pire système de santé en Europe, qu’ils disaient… (maj 2 mars 2007)


Un match de foot un peu vigoureux en Mai, suivi de mon déménagement intensif [6 étages sans ascenseurs, opération commando pour vider l'appart parisien]… Et voilà le genoux droit, puis le gauche, qui se mettent à la peine. Le début de la vieillesse, direz vous. Seulement voilà, au lieu de s'améliorer, la situation a empiré. La semaine dernière , je ne pouvais quasi plus marcher, et 3 mois après, il devient évident que le problème ne se soignera pas tout seul et qu'il va donc falloir s'en occuper.

Donc voilà, un an après, il va falloir passer aux choses sérieuses : le système de santé irlandais est réputé pour être l'avant dernier d'Europe en terme de qualité et de performance. Etat des lieux, et historiques de mes pérégrinations de la semaines…

Comment se soigne t on en Irlande ? Quel est donc le système de santé ? Découverte…

Tout d'abord, j'ai trouvé sur le site des pages jaunes l'adresse d'une "sportive clinique" pas très loin de chez moi. Tout en bas de O'Connell, pour ceux qui connaîtraient. Et déjà là, début de la galère : le téléphone… Parfois, parler au téléphone avec un Irlandais peut être un vrai problème. Certains ne font aucun effort pour être compris, surtout quand vous êtes un étrangers. Même si là, tout c'est bien passé. Premier appel le vendredi 1er septembre à 10h du matin, et rendez vous donné pour le lendemain samedi 2 à 4h. Pour l'instant, tout va bien…

Magic-sportiv-clinic-downstairs-without-lift

Le samedi suivant, direction la "clinique" en clopinant. Après recherche, celle ci se trouve en dessous d'une pharmacie. En bas des escaliers. Sans ascenseurs. Et bien rude, les escaliers. D'ailleurs les gens se sont tellement accrochés aux rampes qu'une partie pendouillent du mur en ne tenant plus qu'à moitié. Typiquement le point de vue qui donne envie. Mais bon, il me faut un médecin, j'ai rendez vous, allons y… Je rencontre donc, après finalement assez peu d'attente, une médecin d'origine pakistanaise. Qui ne comprends absolument rien à mon histoire. Me fait répéter 4 fois, m'oblige à prendre un papier pour y écrire dessus "knee [genoux]" et "pain [douleur]" . Elle a un accent incompréhensible. Tout ce qu'elle sait dire, c'est "JIPI ! JIPI ! I m your JIPI now !". On ne se comprend pas. L'information ne passe pas, c'est dramatique. Finalement, elle fait le tour du bureaux, se penche un peu, tapote ma rotule du bout de l'index à travers mon pantalon, me demande avec des grands gestes si ça fait mal, et si c'est enflé "inside"., Elle me fait alors comprendre qu'elle doit me prendre un rendez vous pour aller faire des radios [" hep ! scanner ! I want scanner ! I can pay for scanner ! ] , so… elle va donc prendre rendez vous pour moi pour aller passer un scanner, mais elle ne pourra le faire que le Lundi suivant, il faudra donc que je repasse le lundi afin de savoir où et quand je devrais aller faire mon scanner. Elle m'explique que vu que je n'ai pas d'assurance privé, c'est pour ma pomme, et qu'il faudra que je paie tout au prix fort. Puis, elle me demande 50 euros, et je dois partir. J'ai tout de même une ordonnance pour des anti-inflammatoire, ce qui est un début. Passons sur l'escalier à remonter dans la douleur, et la pharmacienne qui me fit attendre debout super longtemps après avoir attribué l'unique chaise de la pharmacie à une irlandaise qui devait il est vrai porter une petite fille de 3/4 ans dans ses bras. J'apprendrais plus tard que GP [JIPI !] , cela signifie "General Practitioner". LE médecin généraliste de quartier en fait, celui dont le malade dépend, et qui vous oriente ensuite vers le spécialiste approprié si besoin est.

Arrive le Lundi 4 : je commence à avoir furieusement mal, ça sent la crise qui arrive. Je quitte le boulot un peu plus tôt pour aller prendre les informations sur mon rdv, je redescends les escaliers de la ‘clinique sportive au sous sol sans ascenseurs' , et là, une charmante jeune fille à l'accueil (tiens, en semaine, il y a des gens à l'accueil…), après être parti se renseigner, s'excuse en me disant que "le docteur n'a pas eu le temps de prendre le rdv, il faudra repasser demain". Ah. Je râle un peu, elle me prend gentiment mon téléphone, en me dit qu'elle m'appellera le lendemain pour me dire tout ça dans la journée afin que je n'ai pas à quitter mon travail plus tôt ni a descendre les escaliers. Je remonte donc les escaliers, et là, je me fais un peu plus mal…. Je n'ai pas rêvé, ça a bougé un peu à l'intérieur… Hors de question d'attendre le lendemain un hypothétique rdv pour la saint glinglin, il va falloir agir, et vite…

Les urgences de St James

Sur le site de l'ambassade de France en Irlande, il y a un numéro de téléphone pour parler à un médecin francophone. Chouette. Sauf que au bout du fil, ça parle furieusement Irlandais, limite accent de Galway. On va donc la jouer à la neuneu, car là, ça commence à urger : "French Ambassy ! Do you have somebody speaking French ?” … Et bizarrement, ça marche…. Les gens deviennent gentils, et me disent de venir directement, à ce qui se révélera être un service d'urgence de l'hôpital Saint James. Donc nouvelle remarque, le téléphone du médecin généraliste francophone cité sur le site de l'ambassade de France est en fait celui des urgence de Saint James. Bien bien bien…Sauf que, ce soir, les taxis sont en grève. Chose exceptionnelles ici, où les grèves sont extrêmement rare, ils ont choisi ce jour là pour protester et ne pas travailler. Je mettrais près d'une heure à en trouver un pour me mener à l'hôpital.

J'arrive donc à St James, en boitant bien bas. Je me traîne au service indiqué, ou des gens vraiment accueillants et professionnels prennent mes informations et me demande d'attendre pendant qu'ils me trouvent un médecin parlant Français (j'ai préféré demander directement plutôt que d'avoir une nouvelle déconvenue avec un praticien non anglophone….). Le docteur arrive en moins d'un quart d'heure, m'examine, et m'annonce "le cartilage, dedans, c'est cassé. Dans les deux genoux". Aie. Il a l'air très content de lui. Moi, je commence sérieusement à prendre peur. Il me donne un numéro de téléphone à appeler le lendemain pour prendre rdv car "maintenant c'est fermé" et "tout le monde il est parti". Il faut que je rentre chez moi comme ca. Il me demande 50 Euros et me dit au revoir. Je repars en boitant, et bien plus inquiet qu'en arrivant. Mais bon, j'ai déjà un diagnostique, pensais je… Erreur, erreur !

Le lendemain, je tente donc de téléphoner au numéro indiqué. Discrètement, durant la pause café des collègues, car je ne veux pas rameuter tout le monde. Mauvais calcul. Le numéro est celui de l'accueil généraliste de l'hôpital. Ils mettront près de 2 heures avant de décrocher. Pour m'envoyer balader car je ne connaissais pas le nom du docteur à qui je voulais parler. J'insiste, ils finissent par me transmettre le service Orthopédie. Qui me propose royalement un rdv pour dans… 18 mois…. Oui, je les ai fait répéter, plus d'un an et demi d'attente…

A ce stade, je commence à envisager une rapatriation en France. Avant de me rappeler que vu que je travaille ici depuis un an, je n'ai plus de droits en France. Et m…

Ma cliente se rend compte qu'il y a un problème. Exactement ce que je voulais éviter. Mais elle est adorable, elle prend le téléphone, appelle une clinique privée, et me prends rdv pour dans 3 semaines. Mais tarif plein pot : 150 la consultation , plus 100 par radios, ça fait 350 pour le rdv et le premier diagnostique. Et n'ayant pas d'assurance privé, etc, etc…

Mais.. No way pour attendre 3 semaines pour savoir si j'ai les genoux pétés ou non : le docteur de la veille m'a inquiété, et là j'ai hyper mal. Direction donc les urgences de l'hôpital le plus proche., Saint Vincent, pour un délire de chez délire…

Les urgences de Saint Vincent

Ca y est, je peux plus marcher. J'ai des fourmis dans les pieds, mes genoux ne répondent plus, je pense correspondre à une définition d' "urgence". Une infirmière a pris mon nom, mon adresse, m'a demandé si j'avais une assurance privée ou non, a noté mon origine ethnique et m'a demandé ma religion. En Irlande, aux urgences, on se renseigne sur les rites funéraires dès l'entrée. Et je vais comprendre très vite pourquoi.

J'attends donc dans la masse des malheureux que l'on m'appelle et que l'on s'intéresse à moi. Je suis arrivé à 15h30. J'aurais droit à un docteur pour me palper les rotules à 19 heures. Une crise de douleur comme j'en avais jamais eu jusque là vers 19h30. On me fera des radios à 23 heures. Une prise de sang à 3h30 du matin. Et je me ferais engueuler le lendemain à 9h30 car les radios ne montrent aucun os cassé, et que les premiers résultats de la prise de sang sont bon. Pourtant j'ai un mal de chien, mes jambes ne me portent plus. Mais on me dit que les urgences, c'est pour les trucs urgents : os pétés, danger de mort, etc…. Que l'on ne peut pas s'occuper de tout le monde, et qu'il faut suivre la voix normale [les 18 mois] s'il n'y a pas danger de mort. J'insiste pour le scanner, car les radios, c'est pour les os, tout ce qui est cartilage et ligamenteux y étant transparent, il est impossible d'en faire un diagnostique avec des rayons X. Un docteur me prends les jambes et s'appuie dessus comme un taré en me faisant hurler. Ah tiens, oui, il a effectivement mal, il va falloir s'en occuper. "Rentrez chez vous, on va vous donner un rdv pour vendredi matin pour un scanner". Restez chez vous sans bouger d'ici là." . Et hop, à dégager, maison, je me traîne sans aide jusqu'à la sortie en m'accrochant aux murs pour ne pas tomber, je fais des grands signes à un taxi à la porte de sorti, et je rentre chez moi pour m'effondrer sur mon lit. On m'aura royalement donné un petit déjeuné le matin afin de m'éviter l'hypoglycémie qui aurait sûrement obligé quelqu'un à me soigner et à s'occuper de moi pour de vrai…. Par contre, on ne m'a rien demandé, tout était gratuit…

L'apothéose du Vendredi

J'arrive donc le vendredi à 9h. Légèrement énervé, je demande un médecin qui parle le Français. J'ai cette fois l'intention de mettre un peu plus la pression. On me colle dans un box. J'entends une infirmière s'exclamer que je suis encore là avec mes "rêves" [si si !!!] . Et finalement, vers 12h, après 3 heures d'attente, un type en uniforme style militaire, parlant quelques mots de Français, vient me voir et me soumet à un interrogatoire. Suis je homosexuel ? Ai je un problème psychiatrique ? Suis je dépressif, ai je besoin que l'on s'occupe de moi ? Depuis quand suis je en Irlande ? Combien de temps ai je l'intention de rester en Irlande ? Suis sujet à des phobies et des fixations ? Et là, manque de bol, je suis normal, je bosse en Freelance, donc les jours où je ne travaille pas, je perds de l'argent. Donc non, je ne suis pas là pour le plaisir. Zut. Il va falloir s'occuper de moi. Il me regarde donc le genoux. Le fait se plier un peu. Le palpe sur le coté. Et me dit que comme celui ci n'est pas violet, qu'il peut se plier quand il s'appuie dessus, ce n'est pas urgent. Non, je n'aurais pas de scanner, ce ne serra pas nécessaire, je peux attendre. Comme je ne semble suis pas satisfait et que je semble mécontent, ils vont me faire une nouvelle prise de sang. Ils auront les résultats dans une semaine. Ils me donneront alors rdv pour un spécialiste à ce moment là. En attendant, ils vont me donner des béquilles pour que je puisse me déplacer. D'ailleurs, le fait que je puisse me déplacer avec des béquilles est bien la preuve que mon problème n'est pas "urgent" et donc que je ne dépends pas des "urgences". Le type s'en va, repasse 5 mn après avec un membre de la sécurité à ses coté, lui montre le box, et lui explique que après ma futur prise de sang, il faudra que je parte. Vers 14h, un interne arrive, et me fait ma prise de sang. Il faut que je m'en aille. Je réclame mes béquilles que l'on semble avoir oublié. Une infirmière me les amène. Le type de la sécurité s'agite pendant que je me rhabille. Je demande après mon rdv pour la semaine d'après, on me répond que je recevrais un courrier avec la date du rdv chez le spécialiste "si les résultats de la prise de sang en indique la nécessité". Je passe à l'accueil en partant, je demande combien je dois, on me dit "rien du tout" , je hèle un taxi et je rentre chez moi.

Résumé et conclusion

Franchement, ici, il vaut mieux ne pas être malade. En effet, si vous pouvez survivre et que le soucis n'est pas vitale, il vous faudra vous débrouiller tout seul. Et puis tout cela est tout de même du grand n'importe quoi. Le premier médecin qui devait prendre mon rdv pour des radios n'a jamais pris le rdv : j'attends encore son appel. Le deuxième m'a dit que mes genoux étaient casses et m'a demandé de repartir chez moi car je tenais "un peu" debout. Et le service des urgences m'a foutu dehors car ils n'ont rien vu aux radios et que pour eux, je pouvais attendre et passer par la voix normale. La voie normale, elle, signifie 18 mois d'attentes pour voir un spécialiste.

Donc retour à la case départ. On verra comment cela va évoluer.

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À propos de Stef

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